L’IMPACT DE LA DÉSERTIFICATION SUR LES FEMMES EN AFRIQUE

À l’occasion de la semaine africaine organisée par l’ASPA à Sciences Po Paris, Merem Tahar et Alain Richard Donwahi ont animé une conférence sur l’impact de la désertification sur les femmes en Afrique. La première est une militante écologiste pour la communauté autochtone Toubou (Tchad) et étudiante en droit privé à l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Du haut de ses 23 ans, elle est déjà très engagée sur le terrain et impliquée dans les discussions de la COP 28 (Dubaï). Mr Donwahi, quant à lui, est l’ancien ministre des Eaux et des Forêts de Côte d’Ivoire, et l’actuel président de la COP15 sur la désertification et la sécheresse qui est prévue de se tenir à Abidjan. Cet article propose de synthétiser les échanges passionnants qui sont ressortis de cet événement. 

Qu’est-ce que la désertification ?

Il est avant tout important de préciser ce que l’on entend par désertification. Pour Alain Richard Donwahi, il ne s’agit pas simplement d’un phénomène d’extension du désert. Il s’agit aussi et surtout d’une dégradation des terres, impliquant un appauvrissement de la biodiversité. De fait, la désertification a un impact particulièrement négatif sur l’activité agricole et peut engendrer des déplacements de populations. Les femmes, qui représentent près de 70% des travailleurs agricoles du continent, sont les premières à être touchées. Le président de la COP15 insiste, cependant, sur le fait que la désertification est loin d’être limitée à certains pays sahéliens et des pays développés, notamment Européens, font aussi face à ce problème. 

Quels sont les défis rencontrés par les diplomates africains lors des sommets internationaux ?

Alain Richard Donwahi s’est félicité de la tendance croissante des diplomaties africaines à se concerter en amont des différentes COP – et autres sommets internationaux – afin de s’organiser autour d’une même voix, dans l’optique de mieux porter leurs intérêts dans l’échiquier diplomatique mondial. Merem Tahar, quant à elle, est venue nuancer ce propos en déplorant non seulement un manque de synergie entre différents acteurs – notamment diplomates et activistes, mais aussi le manque de cohérence et de préparation de certaines délégations qui prennent des positions contradictoires par rapport à d’autres prises de positions officielles. D’après elle, cela ternit l’image des diplomates africains et ralentit considérablement les négociations. 

La représentante de la communauté Toubou a évoqué par la suite une réalité peu abordée, mais qui accroît les inégalités entre pays : celle de la disparité entre nations anglophones et non-anglophones. Les relations internationales sont dominées par l’emploi de la langue de Shakespeare, et les questions de financements ne font pas exception. Cela défavorise les pays francophones qui, même à l’échelle des ministères, font face à certaines procédures incompréhensibles. En conséquence, ils en arrivent parfois à abandonner la demande de financement, creusant encore plus l’écart les séparant des pays anglophones.

Le choix de délocaliser la production de monnaie plutôt que de la maintenir localement est généralement motivé par les coûts élevés associés à cette dernière option, résultant des technologies de pointe utilisées et de leur évolution constante pour contrer la contrefaçon. Bien sûr, ce choix comporte des risques, mais ceux-ci sont partagés par toutes les banques centrales et doivent être distingués des critiques dirigées contre le FCFA. De plus, en tant qu’union monétaire, le FCFA est moins exposé aux risques de représailles ciblées. Ainsi, les récents coups d’État en Afrique de l’Ouest, bien que défavorables à Paris, n’ont apparemment pas entraîné de manipulation du FCFA.

Quelles solutions proposer dans cette réflexion sur l’environnement et les femmes ?

Le président de la COP15 sur la désertification a tout d’abord insisté sur le fait que les solutions aux problèmes africains se trouvent en Afrique. Pour lui, il ne faut ainsi pas tomber dans le piège d’importer des initiatives mises en place à l‘international et faire attention à leur adapdabilité dans le contexte africain. Merem Tahar, elle aussi, a tenu à mettre en avant l’importance des savoirs et techniques traditionnelles pour répondre aux profonds enjeux environnementaux qui touchent tant de communautés locales. Elle prône ainsi une approche par le bas et une consultation des populations locales, touchées par le phénomène, plutôt que la mise en place de solutions par le haut, sans considérations des réalités multiples et des pratiques déjà existantes sur le terrain. 

Une première nécessité, d’après l’ancien ministre ivoirien des Eaux et des Forêts, est de développer un “enseignement climatique” dans les cursus scolaires, afin de démocratiser l’information de qualité sur la désertification ou encore la déforestation, tout en sensibilisant sur les changements de comportements à engager sur le temps long. Un enseignement qui se doit aborder des enjeux climatiques et sociaux comme l’accès à l’éducation ou les inégalités de genre d’après Merem Tahar pour qui les deux sont liés et impliquent donc une approche holistique pour mieux y répondre. 

Les deux invités ont aussi fait des recommandations pour traiter de la question de genre en Afrique de manière plus efficace. Pour Alain Richard Donwahi, il s’agit d’un défi majeur, qui doit être saisi par le plus haut sommet de l’Etat. Il a proposé une évolution du cadre législatif en matière de propriété foncière, pour mieux protéger les terres appartenant aux femmes. Des terres qui, comme l’a évoqué durant la conférence la militante tchadienne, sont à de nombreuses reprises confisquées à celles-ci dans une certaine partie de son pays, victimes des jeux de pouvoir et de gestion des affaires familiales desquelles elles sont exclues. Dans cette même optique, pour Merem Tahar, au-delà de l’aide alimentaire octroyée aux femmes, il est impératif de les soutenir financièrement pour permettre leur émancipation. 

Un dernier point sur lequel nos panélistes ont insisté est la nécessité de donner la parole à la jeunesse africaine. Alain Richard Donwahi a ainsi évoqué sur un ton optimiste sa conviction que les solutions prennent source au sein des jeunes du continent. Parallèlement à ce vivier d’initiatives prometteuses de la jeunesse africaine, il considère que dans le milieu dirigeant, l’on trouve une absence de réponses concrètes aux défis en jeu. Dans ce contexte, faire appel aux esprits créatifs et encore pleins d’espoirs des jeunes relève de la nécessité pour trouver des solutions face au problème pressant du changement climatique.

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