Depuis 2021, un groupe armé en particulier se distingue à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) où les richesses minérales attisent les conflits. Appelé M23, ce mouvement rebelle n’est pas nouveau et ses origines remontent à 2012. Pour saisir la réémergence de ce groupe rebelle, cet article propose de se pencher sur le contexte historiquede la région des Grands Lacs en Afrique ainsi que l’histoire politique tumultueuse de la RDC.
Accords de Paix et création du CNDP
La RDC a été le théâtre de décennies d’instabilité politique et de conflits armés, exacerbés par l’ingérence étrangère, les rivalités ethniques, et la lutte pour le contrôle des précieuses ressources naturelles du pays. Après le génocide au Rwanda en 1994, de nombreux Hutus, fuyant les représailles, se sont réfugiés au Zaïre (ex-RDC), formant des groupes armés qui ont continué à opérer depuis le territoire congolais. En 2002, un accord de paix, plus connu sur le nom d’Accord Global et Inclusif, a été signé à Prétoria, entre le gouvernement de la RDC, du Rwanda et divers groupes rebelles, donnant naissance à de nouveaux partis politiques et intégrant certains combattants dans l’armée congolaise. Cependant, des groupes rebelles tels que le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), dirigé par le rebelle Tutsi Laurent Nkunda, ont refusé de se conformer pleinement à l’accord, dénonçant la marginalisation des Tutsis et les violations des droits de l’homme dans l’est de la RDC.
Montée du M23
En avril 2012, une faction dissidente du CNDP, sous la direction de Bosco Ntaganda, a déserté l’armée congolaise, affirmant que le gouvernement n’avait pas respecté les termes de l’accord de paix de 2009 stipulant que tous les groupes rebelles soient intégrés dans l’armée congolaise afin de mettre fin à la guerre dans le Nord-Kivu. Le groupe dissident a alors adopté le nom de M23, en référence à l’accord du 23 mars 2009, précédant leur tentative avortée d’intégration dans l’armée congolaise. Ils ont déclaré que le gouvernement n’avait pas honoré ses engagements concernant les salaires, les grades militaires et les conditions de vie pour les anciens combattants du CNDP.
2021, le retour du M23 dans un conflit vieux de plus de 25 Ans
Depuis la fin de l’année 2021, les rebelles du M23 ont ravivé les plaies d’un conflit de longue date dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Leur présence a été marquée par une série de meurtres, de viols et d’autres crimes de guerre manifestes, semant la terreur parmi les populations civiles. Les attaques, notamment par armes explosives, dans des zones densément peuplées de la province du Nord-Kivu, ont causé des pertes civiles, détruit des infrastructures et exacerbé une crise humanitaire déjà alarmante. Les abus documentés, notamment des exécutions illégales et des cas de violences sexuelles perpétrés par les combattants du M23, ont été corroborés par des enquêtes menées par Human Rights Watch et d’autres organisations. Les témoignages de victimes témoignent de l’horreur vécue et de la volonté du M23 de semer la terreur parmi les civils.
Le M23 serait soutenu par le Rwanda, qui fournirait un appui logistique et éventuellement financier. Les preuves avancées par les Nations Unies sur cette question sont nombreuses, comprenant des rapports de témoins, des images satellite, et des interceptions de communications. Ces éléments de preuve semblent partager le même destin que les conclusions du rapport Mapping de 2010 sur les crimes commis en RDC entre 1993 et 2003, qui, malgré leur pertinence, demeurent largement négligés au sein des archives des Nations Unies en raison de défis politiques, d’intérêts géopolitiques en jeu et d’obstacles institutionnels entravant la quête de justice internationale. Malgré ces preuves accablantes, le gouvernement rwandais nie toute implication dans le soutien au M23, qualifiant ces allégations de politiquement motivées. Le soutien militaire direct apporté par l’armée rwandaise au M23 a permis à ce groupe rebelle de consolider son emprise sur les territoires de Rutshuru et de Masisi, voisins. Cette ingérence étrangère dans le conflit congolais a été vivement critiquée, et des appels ont été lancés auprès du Conseil de sécurité des Nations-Unies pour sanctionner tant les dirigeants du M23 que les responsables rwandais impliqués dans cette collaboration.
Malgré les dénégations du M23 et du gouvernement rwandais quant à leur implication dans ces crimes, des preuves accablantes ont été présentées par le Groupe d’experts des Nations-Unies sur la RD Congo. Les efforts de médiation déployés par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et l’Union africaine (UA) visent à résoudre la crise, mais la situation humanitaire demeure précaire, avec des centaines de milliers de personnes déplacées et des cas croissants de violences sexuelles à l’encontre des femmes et des filles, souvent impunis et non traités médicalement.
Dans ce contexte, la résolution du conflit en RDC nécessitera des efforts concertés tant au niveau national qu’international, avec un engagement ferme en faveur de la justice, de la réconciliation et du respect des droits de l’homme pour toutes les parties impliquées.