“Ces jeux représentent beaucoup pour l’Afrique ; ils inspireront la prochaine génération et seront une porte ouverte sur notre continent”. Aux côtés de Bassirou Diomaye Faye, Kirsty Coventry, première femme africaine présidente du Comité Olympique International (CIO), lance le compte à rebours des Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ) de Dakar 2026 à un an du lancement de la compétition. Ancrée dans son territoire et fruit d’un concours écolier, la mascotte Ayo – joie en yoruba – a été dévoilée pour l’occasion. Les jeux réunissent 2 700 athlètes âgés de 17 ans au maximum, autour de 35 sports et sur trois sites hôtes : Dakar, Diamniadio et Saly. Pourtant, le format des JOJ reste excluant pour une partie de la jeunesse puisque aucun parasport n’est au programme officiel de la compétition. En effet, les JOJ sont organisés par le CIO et non par le Comité International Paralympique (IPC) qui organise ses propres compétitions. Malgré cette absence réglementaire, le Sénégal a tenu à s’engager dans le développement du parasport à travers des projets de coopération décentralisés. Ici, nous nous intéresserons au rôle des collectivités territoriales sénégalaises dans cette démarche avant de prendre pour exemple l’accord de coopération entre Rufisque et l’Île-de-France.
Crédit : Dakar 2026 – Cérémonie officielle le 31 octobre 2025 au Grand théâtre nationale de Dakar
La coopération décentralisé ou le marqueur du rôle stratégique des collectivités territoriales dans le déploiement des politiques publiques sportives
Dans un contexte budgétaire sénégalais marqué par une dette publique record, la ministre de la Jeunesse et des Sports, Khady Diène Gaye est tout de même parvenue à faire adopter à l’unanimité en commission des finances son budget pour 2026. D’un montant de 38,96 milliards de FCFA, le budget inclut les ressources nécessaires à la réussite des JOJ mais prévoit également des investissements à l’échelle des collectivités territoriales. Il financera notamment la construction de 100 plateaux multifonctionnels de proximité ainsi que la création d’un Centre de haute performance sportive à Thiès. Ces investissements marquent la continuité du rôle stratégique des collectivités territoriales dans le déploiement des politiques sportives.
Un rôle qui s’illustre régulièrement ces dernières années par la multiplication des projets de coopérations décentralisées à l’approche des JOJ 2026. Ces derniers, qui représentent des outils de diplomatie locale pour les États étrangers, s’inscrivent surtout dans un mouvement d’autonomisation des collectivités sénégalaises, notamment pour le parasport. Les moyens étatiques alloués à son développement sont moins conséquents, comparativement à d’autres politiques publiques, et ces programmes internationaux permettent de compenser partiellement ce manque d’investissement. Structurants et de proximité, ils sont facilités par l’expertise des collectivités qui leur permettent d’identifier précisément les besoins sur leur territoire. En octobre 2023, Cotonou et Dakar signent une convention de partenariat qui prévoit une dotation réciproque d’équipements sportifs et la formation d’encadrants – notamment pour le para-tennis de table et le badminton – dans le cadre du projet Sport et Coopération Décentralisée.
Crédit : Association internationale des maires francophones (AIMF) – Luc Sètondji Atrokpo, maire de Cotonou, et Barthélémy Dias, maire de Dakar lors du 83ème Congrès de l’AIMF le 23 octobre 2023 à Cotonou.
Etude de cas : Rufisque et l’Île-de-France, un accord de coopération décentralisée au service du développement du parasport
“Le Sénégal émergent est en marche. Il est à notre portée”. Deux ans après son élection en 2012, Macky Sall profite de l’inauguration du pôle urbain de Diamniadio pour préciser son plan décennal (2014-2023) intitulé Plan Sénégal Emergent. Articulé autour de trois axes stratégiques, les politiques publiques sont adossées à un Plan d’action prioritaire (PAP) dont bénéficie particulièrement le département de Rufisque durant cette période. En plus des projets industriels de grande ampleur, le département veut accompagner la jeunesse à travers le développement du parasport dans la perspective des JOJ 2026.
Prolongement d’un partenariat entre la région Île-de-France et la région de Dakar existant depuis 1997, l’accord de coopération avec Rufisque est l’un des premiers lauréats de l’appel à projet “Sport et coopération décentralisée” lancé par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français en 2021. Le projet a permis de travailler sur trois axes : construire une vision territoriale partagées en matière de parasport ; faciliter la pratique et sensibiliser la population. Pendant trois années, ce sont 250 professionnels (coach, journalistes, dirigeants, professeurs d’EPS) qui ont été formés à la problématique et 1 500 personnes qui ont été sensibilisées lors d’événements destinés au grand public à Rufisque. Sur le plan matériel, des diagnostics d’accessibilité des stades ont été réalisés pour faciliter la pratique et deux écoles accueillant des enfants en situation de handicap ont bénéficié d’équipements spécifiques. Pour la région Île-de-France, ce projet a permis de faire perdurer l’héritage des Jeux paralympiques de Paris 2024, d’étendre son rayonnement international en tant que région, mais également de bénéficier de l’expertise d’entrepreneurs sénégalais innovants dans des programmes connexes comme ECONNECT ou SPRINT.
Crédit : Facebook – France au Sénégal
Ainsi, et malgré l’absence du parasport aux Jeux olympiques de la jeunesse de Dakar 2026, le Sénégal est parvenu à mener des projets de développement du parasport en s’appuyant sur l’expertise des collectivités territoriales en matière de politique sportive. Toutefois, il est nécessaire de rester vigilant sur les modalités de ces partenariats qui doivent être construits sur des bases d’égalité et autour d’actions complémentaires qui ne répondent pas uniquement à un objectif de rayonnement international. L’évolution de ces projets de coopération décentralisée à l’échelle du continent sera particulièrement intéressante à observer dans la perspective de la Coupe du monde de football 2030 au Maroc et des potentiels Jeux olympiques et paralympiques de 2036 en Afrique du Sud.
Bibliographie :
- Aubin, Lukas. Sport Power: Le sport : nouvel atout géopolitique pour les villes françaises ? Autrement, 2024.
- Gollain, Vincent, Flora Queray, Frédéric Lagrange, Papa Mamadou Fam, Diouck, et El Hadj Alioune Dia. La structuration économique de la destination Dakar‑Rufisque‑Diamniadio. Institut Paris Region, Note rapide no 977, avril 2023.
- Journal du Sénégal. “Budget Jeunesse et Sports 2026 : 39 milliards pour l’avenir.” Journal du Sénégal, 5 Nov. 2025, www.journaldusenegal.com/budget-jeunesse-et-sports-2026-39-milliards-pour-lavenir/
- Mairie de Cotonou. “Projet Sport et Coopération Décentralisée : Le Maire Luc Sètondji ATROKPO lance les activités (Plusieurs fédérations sportives dotées d’équipements).” Mairie de Cotonou, 9 Juil. 2024, cotonou.mairie.bj/actualite/projet-sport-et-cooperation-decentralisee—-le-maire-luc-atrokpo-lance-les-activites-%28plusieurs-federations-sportives-dotees-dequipements%29.
- Badji, Nfaly. La coopération décentralisée au Sénégal : historique, dynamiques actuelles, dispositifs d’appui, outils, témoignages et avis d’experts. L’Harmattan, 2024.
- Région Île‑de‑France. “Accord de coopération entre la Région Île‑de‑France et le Département de Rufisque au Sénégal.” Région Île‑de‑France, 05 Oct. 2021, mis à jour 02 Mai 2025, www.iledefrance.fr/toutes-les-actualites/accord-de-cooperation-entre-la-region-ile-de-france-et-le-departement-de-rufisque-au-senegal
