L’Afrique à l’épreuve du retour de Donald Trump

Le président américain Donald Trump signe un décret, dans le bureau ovale de la Maison Blanche, le 20 janvier 2025. © Jim WATSON / POOL / AFP


Le 20 janvier a marqué le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis. En 2018, ses propos qualifiant les nations africaines de « pays de merde » avaient provoqué un tollé, symbolisant un désintérêt manifeste pour le continent. Entre restrictions migratoires, coupes dans l’aide humanitaire et désintérêt affiché pour le continent, son premier mandat avait déjà laissé un goût amer en Afrique. Ce second round s’annonce tout aussi houleux car bien que Donald Trump promette un « âge d’or » pour une Amérique à laquelle il veut ‘’rendre sa grandeur’’, son agenda protectionniste pourrait profondément remodeler les relations entre l’Afrique et les États-Unis .

À peine investi, le 47ᵉ président des États-Unis s’emploie à prouver qu’il tient ses promesses. Parmi les dizaines de décrets qu’il s’est appliqué à signer devant les caméras, l’un suspend l’aide au développement pour une durée de 90 jours pendant laquelle ‘’l’efficacité des programmes et leur cohérence avec la politique étrangère des États-Unis vont être évaluées ‘’. Un mois plus tôt, en visite en Angola, son prédécesseur Joe Biden annonçait plus d’un milliard de dollars d’aide humanitaire aux populations africaines déplacées par des sécheresses sans précédent. Le contraste est frappant.

Le nouveau locataire de la Maison Blanche a annoncé la couleur, en plus d’indiquer vouloir privilégier les accords bilatéraux, ce qui pousse un certain nombre d’observateurs à s’interroger aujourd’hui sur l’éventuelle imposition de droits de douane sur les importations africaines aux États-Unis. L’hypothèse d’une non-reconduction de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa) en 2025 qui permet à 32 pays d’Afrique subsaharienne d’exporter sans droits de douane vers le marché américain renforce ces inquiétudes. Donald Trump pourrait conditionner l’accès à ce dispositif à la prise en compte des intérêts politiques, économiques et sécuritaires américains face à des rivaux stratégiques, principalement la Chine, la Russie et l’Iran. L’Afrique du Sud, grand bénéficiaire de l’AGOA grâce à ses secteurs de l’automobile, des produits chimiques et de l’agriculture, pourrait d’ailleurs perdre cet avantage. Son appartenance aux Brics et la procédure pour « génocide » intentée à l’encontre d’Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ) sont mal perçues par la nouvelle administration. Ces éléments alimentent les critiques de certains républicains qui réclament son exclusion du programme. Fidèle à sa doctrine de l’« America First », Trump pourrait donc renforcer cette orientation économique lors de son second mandat.

L'Afrique face aux désengagements américains

Ce retour à la Maison-Blanche s’accompagne d’une hostilité renouvelée envers les organisations multilatérales, telles que l’ONU et l’Union Africaine. Mais c’est surtout le retrait des États-Unis de l’OMS qui suscite des inquiétudes. “L’OMS nous a escroqués”, a affirmé Trump le 21 janvier. Principal contributeur, Washington finance à lui seul près de la moitié du budget annuel de l’organisation, avec 500 millions de dollars par an. Son départ serait un coup dur pour les systèmes de santé africains, déjà fragilisés. Les programmes de lutte contre le sida, financés en grande partie par les États-Unis via le PEPFAR (President’s Emergency Plan for AIDS Relief), qui a sauvé 25 millions de vies en vingt ans, pourraient également en souffrir. En parallèle, l’avenir de l’USAID apparaît également incertain. Lors d’une conversation X Spaces datant de ce lundi 3 février, Elon Musk a relayé les propos de Donald Trump, qui aurait affirmé que l’USAID devait être « coupée », son financement étant déjà gelé pour 90 jours et des dizaines de ses employés ayant été mis en congé. Cette décision pourrait avoir de lourdes conséquences, puisqu’en 2023, un quart de l’enveloppe de l’aide américaine était destiné aux pays africains, pour un montant de 17,4 milliards de dollars : un financement crucial pour des dizaines de pays confrontés à des défis importants.

Un pivot stratégique de la politique américaine face à la Chine

Dans cette dynamique de retrait des engagements multilatéraux, l’Afrique demeure tout de même un axe stratégique majeur pour les États-Unis, notamment en raison de ses ressources naturelles. Les pays riches en minerais critiques et terres rares devraient attirer une attention accrue, leurs ressources étant convoitées par les géants technologiques, notamment celui d’Elon Musk. La République Démocratique du Congo (RDC) et la Guinée en font partie. Grandement convoitées, ces ressources pourraient être au centre de la politique américaine, en particulier pour contrer l’influence croissante de la Chine. L’administration Trump pourrait ainsi favoriser l’implantation de ses entreprises et financer des projets d’infrastructure, tels que le corridor de Lobito reliant l’Angola, la RDC et la Zambie, pour faciliter l’acheminement de ces minerais stratégiques.

D’autre part, la montée des tensions entre les deux superpuissances pourrait inciter la Chine à renforcer davantage ses relations commerciales avec le continent, notamment pour compenser la réduction des échanges avec les américains. Cette dynamique offrirait des opportunités aux pays africains, en particulier dans les secteurs des matières premières et des produits agricoles, avec une augmentation potentielle de leurs exportations vers la Chine.

Coup politique ou réelle ambition de tailler dans le budget de l’aide internationale ? Seul Donald Trump le sait. Les annonces qui s’enchaînent depuis son intronisation précisent en tout cas le virage net vers le protectionnisme exacerbé qu’avait promis le désormais 47ᵉ président des États-Unis pendant sa campagne.

Ines Lihb

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *